Pendant 25 ans, de 1857 à 1882, Théodore Férey assura le transport de voyageurs entre Flamanville et Cherbourg. Surnommé « Théodore la voiture », il tenait aussi avec sa femme une auberge au hameau Arthu à Flamanville. Ils étaient les arrière-grands-parents de Bernard Lefaix qui nous raconte l’histoire de cette diligence :

« Nous sommes en 1857, au début du second empire, les routes ne sont naturellement pas ce que nous connaissons aujourd’hui. Franchissements de rivières à gué, chaussées défoncées, Victor Hugo ne se plaint-il pas lors de son passage aux Pieux en 1836 du mauvais état des chemins. A cette époque, un service de diligences fonctionnait entre Flamanville et Cherbourg via Les Pieux.

Le départ se faisait quotidiennement à 7h00 au hameau Arthu à Flamanville, distant de Cherbourg de 27 kilomètres. La première halte avait lieu aux Pieux au café de la Poste. L’attelage repartait vers Cherbourg avec un arrêt facultatif à Benoistville à la Croix Georges et à Sotteville aux Landiaux. Un arrêt obligatoire était assuré à Virandeville au café Ménard, aujourd’hui magasin du fleuriste en face de la pharmacie. Dans les années 1960, ce café s’appelait encore « A la grande halte ».

Diligence aussi appelée "La Patache" en 1906.

Après un arrêt facultatif à Martinvast, l’équipage entreprenait la montée de la côte d’Octeville jusqu'à « La petite Marie » où par habitude, les chevaux s’arrêtaient automatiquement. Puis, c’était la descente vers Cherbourg qu’on atteignait par la rue Hélain, actuel boulevard Mendès-France. Un arrêt était observé au Cauchin, place devant la gare, pour les voyageurs devant prendre le train. Ensuite, la diligence empruntait les quais jusqu’au terminus place Divette. Le voyage avait duré deux heures et demie. Quant au cocher, il lui restait à se restaurer après avoir soigné ses chevaux. A cet effet, des écuries étaient aménagées tout le long de la rue de l’ancien quai. La tâche n’était pas terminée pour autant car il lui fallait faire les commissions qu’on lui avait confiées au départ ou sur le trajet. Ce travail lui prenait une grande partie de la journée.


Attelage vers 1905 à Octeville sur la route de Cherbourg (actuelle rue Sadi Carnot)

qui était empruntée par la diligence.

Au terminus de la place Divette, les diligences venant de différents coins de La Hague et du Val de Saire convergeaient. Le départ avait lieu pour tous à 17h00 quelle que soit la direction. Toutes les diligences empruntaient le même chemin qu’à l’aller.

Chaque soir, la diligence rentrait à Flamanville vers 20h00. Entendant les grelots de l’attelage, les habitants se pressaient vers le cocher pour récupérer leurs commissions. La journée de travail n'était pas terminée pour le cocher, il devait panser, soigner et coucher ses chevaux afin de libérer la voiture que son associé reprendrait le lendemain matin avec ses propres chevaux. Ce service se faisait alternativement tous les deux jours par le même cocher et ses chevaux.

Les chevaux étaient attelés de colliers en cuir et munis de grelots qui annonçaient le passage de la voiture tout le long du parcours. Cet attelage était le seul moyen de transport public pour se rendre à la ville. Les mardis, mercredis, vendredis et samedis, une petite diligence à deux chevaux suffisait pour assurer le service. La grande diligence attelée de 4 ou 5 chevaux était nécessaire les lundis, jeudis et dimanches.

Mon arrière-grand-père, Théodore Férey, après cette activité de transport de voyageurs,  fut conseiller municipal de Tréauville de 1881 à 1914. Il résidait dans cette période au hameau de la Safrenée. Il est décédé à 82 ans le 14 août 1914, quelques jours après le début de la première guerre mondiale. Son épouse est décédée deux ans plus tard. Ils eurent une seule fille, ma grand-mère. »

Quand l'autocar remplaça la diligence

Dans les années 1910, une voiture automobile Peugeot utilisable pour le transport de personnes et de marchandises a remplacé la diligence de Théodore. En recherchant des cartes postales anciennes, nous avons trouvé une photographie de ce véhicule stationné devant l'église de Flamanville. Il assurait le trajet Flamanville - Les Pieux - Cherbourg. 

A l'époque, le conseil municipal de Tréauville avait émis un avis défavorable sur ce service publique par voitures automobiles pour les motifs exposés dans la délibération ci-dessous.

"Le 27 novembre 1910, le conseil examine un projet de service publique par voitures automobiles dans la Hague, Cherbourg, les Pieux et Carteret. Le conseil émet un avis défavorable et regrette de ne pouvoir s’engager à voter pour six ans la somme annuelle de 60 francs demandée par M. le Préfet de la Manche, et la société des automobiles Peugeot. Le conseil considère que la commune de Tréauville ne retirerait pas un avantage profitable du service des automobiles pour le transfert des produits agricoles et des gros matériaux. Les produits agricoles sont expédiés directement à Cherbourg ou à la gare de Couville par les voitures (hippomobiles) des cultivateurs. Le trajet projeté ne traverse pas la commune de Tréauville, l’extrémité de la commune étant à 6 kilomètres des Pieux et le centre à 4 km."


Voiture automobile Peugeot stationnée devant l'église de Flamanville (collection C. Tougeron)